L'âge de faire, Numéro 10, Juin 2007, p. 14
La médecin du rire
Bon pour le moral, re rire est également bénéfique pour la santé. Des scientifiques se sont penchés sur la question.
Par Raquel Hadida
2000 ans avant Jésus Christ, les Chinois et les Grecs savaient déjà que rire faisait du bien. Au XXème siècle, les recherches en guélétologie (gueletos : «rire» en grec) en précisent les mécanismes. En 1928, Walsh affirme «qu'une personne qui rit régulièrement augmente sa résistance face à la maladie». Dans les années 50, le neurologue William F. Fry créé un institut pour la recherche sur le rire à Stanford. Dans les années 70, Norman Cousins, journaliste scientifique, réussit à endiguer sa spondylarthrite fatale en s'esclaffant devant les films comiques américains. Après 10 minutes de rire, ses douleurs diminuaient et il pouvait dormir apaisé.

Mécaniquement, un rire franc vous offre déjà un massage facial et abdominal, donc facilite la digestion. De plus, l'apport d'oxygène élimine les toxines du sang (sucres, graisses, cholestérol), active l'intellect, diminue la nervosité et l'insomnie en améliorant votre rythme cardio-vasculaire. Des expériences montrent que le rire régulier et joyeux diminue le risque de rechute pour des patients victimes d'infarctus.

Cocktail hormonal
Lors d'un rire, le système nerveux réagit violemment, d'une manière analogue à la peur, à la présence d'un danger, selon l'anthropologue Bernard Champion. Au niveau de l'hypothalamus, c'est l'orage hormonal: votre cerveau stimule la production de catécholamines, des hormones de l'éveil comme l'adrénaline, qui augmentent l'attention, la vitesse d'exécution et les possibilités intellectuelles. Ces catécholamines excitantes engendrent à leur tour la production d'endorphines - 200 fois plus puissantes que la morphine chimique - dans tout votre corps. Vous devenez moins sensible à la douleur et vous vous sentez aussi bien qu'après 45 minutes de relaxation ou un bon jogging.

La gym du rire
Déversées dans le sang, les catécholamines augmentent d'autre part le nombre et l'activité des cellules et des anticorps immunitaires pendant 12 heures. Ainsi, le rire agit sur le cancer, les maladies virales et cardiovasculaires. Sans oublier l'effet psychologique : pour le pionnier de l'humour thérapeutique, le docteur allemand Michael Titze, l'humour peut briser le cercle vicieux de la peur, développer la confiance en soi et améliorer les relations personnelles. Il fait office d'antidépresseur. Et puisque le rire fait office de gymnastique physique et mentale, pourquoi ne pas s'entraîner ? C'est l'idée du généraliste indien Madan Kataria, qui a développé en 1995 la méthode du «rire sans raison» sur le principe du yoga, comme exercice préventif. Aujourd'hui, il existe des milliers de clubs à travers le monde. En France, c'est le voyageur Daniel Kiefer qui a introduit le concept, avant que Corinne Cosseron, depuis Frontignan dans l'Hérault, fonde l'Ecole française du rire en 2002. C'est décidé, demain, on se met à rire.